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Quand Mordecai se leva, Deronda fut frappé de l’air solennel de son visage. Aucun ne parla d’abord, et quand ils furent assis à côté l’un de l’autre devant la cheminée, Mordecai dit d’un ton de certitude :

— Vous venez m’apprendre une chose après laquelle mon âme aspire.

— C’est vrai, j’ai quelque chose de très important à vous communiquer ; une nouvelle, j’en ai la persuasion, qui vous réjouira, répondit Deronda, qui vit bien que Mordecai s’attendait à une révélation toute différente de ce dont il s’agissait.

— On vous a tout avoué, tout est éclairci, reprit Mordecai. Vous êtes mon frère comme si vous aviez sucé le même lait que moi. L’héritage est à vous ; aucun doute ne doit plus nous diviser.

— Je n’ai rien appris de nouveau me concernant, répliqua Daniel.

Le désappointement était inévitable, il valait mieux ne pas laisser l’espoir dégénérer en erreur.

Mordecai resta immobile, incapable pendant un moment de réfléchir à ce qui allait venir. Toute la journée son esprit avait été dans une tension continuelle vers l’accomplissement de ce qu’il attendait. La réaction fut pénible et il ferma les yeux.

— Seulement, reprit doucement Deronda après une pause, seulement je suis parvenu à découvrir un autre lien caché avec vous, outre celui dont vous m’avez parlé comme existant dans votre âme.

Mordecai n’ouvrit pas les yeux, mais ses paupières frissonnèrent.

— J’ai fait la connaissance d’une personne qui vous intéresse fort…

Mordecai ouvrit les yeux et les fixa sur Deronda.

— D’une personne étroitement attachée à votre pauvre