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La réponse de Hans ne le satisfaisait pas et il ne fut pas mécontent quand il s’éloigna de lui pour s’avancer un peu plus.

Daniel n’avait jamais entendu Mirah chanter O patria mia. Il connaissait cette belle ode de Leopardi à l’Italie, alors qu’elle était encore dans les fers et pleurait sa liberté. En la disant, Mirah ressemblait étonnamment à Mordecai. Elle répondit à son attente, et tandis que les applaudissements retentissaient, Klesmer lui donna un témoignage de contentement qu’elle apprécia plus que tout autre, quoiqu’il ne fût perceptible que pour elle : « Bien ! bien ! le crescendo meilleur que dernièrement ». Mais sa principale anxiété était de savoir si Deronda avait été satisfait. Si elle avait commis ce soir la moindre imperfection, elle ne se la serait pas pardonnée, car elle l’aurait considérée comme une injure pour lui. Elle le regarda de loin et il s’en aperçut ; mais il ne bougea pas de sa place, se contentant d’examiner le flot d’admirateurs qui allèrent l’entourer et se retirèrent peu à peu à la prière de Gwendolen, laquelle avait demandé à Klesmer de la lui présenter. Klesmer s’était levé en la voyant s’approcher, et comme elle s’adressait à lui en même temps qu’à Mirah, il demeura auprès d’elles quelques instants, souriant des yeux plutôt que des lèvres au piquant contraste que faisaient ces deux charmantes créatures assises à côté l’une de l’autre. Cependant, toute sa sollicitude paraissait être pour la plus splendide des deux.

— Laissez-moi vous dire, commença Gwendolen, combien je vous suis obligée ! M. Deronda m’avait assuré que j’aurais un grand plaisir à vous entendre, mais j’étais trop ignorante pour m’imaginer combien ce plaisir serait grand.

— Vous êtes trop bonne de parler ainsi, répondit Mirah tout occupée à la regarder.

— Nous désirons toutes que vous nous donniez des leçons. Moi au moins. Je chante fort mal, ainsi que vous le dira