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peuple encore ! Ses vêtements ont été jetés au loin ; on les a déchirés, lacérés, souillés, foulés aux pieds ; mais il lui est resté une cuirasse ornée de pierreries. Que les riches, que les rois du commerce, les savants, les artistes, les orateurs, les conseillers politiques qui ont dans les veines du sang juif, — lequel a conservé sa vigueur sous tous les climats, et la souplesse du génie hébreu, pour lequel la difficulté ne signifie pas autre chose qu’un moyen nouveau, — que ces hommes disent : « Nous voulons relever le drapeau, nous voulons nous unir pour un travail pénible, mais glorieux, comme celui de Moïse et d’Ezra ; un travail qui sera digne des longues angoisses supportées par nos pères, en maintenant leur séparation et en refusant le bien-être du mensonge. » Ils ont assez de richesses pour racheter le sol sacré au conquérant débauché et appauvri ; ils ont l’habileté de l’homme d’État pour fonder, le talent de l’orateur pour persuader. N’y a-t-il donc parmi nous ni prophète, ni poète capable de faire comprendre à l’Europe chrétienne le honteux déshonneur de la lutte des chrétiens, que le Turc regarde comme celle des bêtes féroces auxquelles il a préparé une arène ? Nous possédons en nous un fonds de sagesse assez grand pour trouver une politique juive nouvelle, simple, forte et juste comme l’ancienne ; pour établir une république où il y aura égalité de protection, cette égalité qui a brillé comme une étoile sur le front de notre antique communauté, et qui lui a donné un éclat plus vif au milieu des despotismes de l’Orient que celui de la liberté occidentale. Alors notre race aura un centre organique, un cœur et un cerveau pour veiller, guider et exécuter ; le juif outragé aura une défense dans le concert des nations, comme l’Anglais ou l’Américain outragé. Le monde y gagnera autant qu’Israël, car il y aura à l’avant-garde de l’Orient une communauté qui portera dans son sein les sympathies de toutes les grandes nations ; il y aura une terre où s’arrêteront toutes les inimitiés ; un terrain neutre