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— Oh non ! je vous en prie, dit Gwendolen en frissonnant plaisamment. Il est très agréable de venir après des ancêtres et des moines ; mais ils doivent connaître leurs places et demeurer sous terre. J’aurais peur de parcourir toute seule cette maison, je croirais que les générations passées sont fâchées contre nous de ce que nous avons tant changé toutes choses.

— Oh ! les spectres sont de tous les partis politiques, reprit sir Hugo, et ceux qui voulurent tout changer de leur vivant, mais qui ne le purent, doivent être de notre côté. Cependant, si vous n’aimez pas à parcourir la maison toute seule, j’espère que vous ne craindrez pas de le faire en compagnie. Il faut que vous la visitiez entièrement, Grandcourt et vous. Nous prierons Deronda de nous accompagner ; car il la connaît beaucoup mieux que moi.

Le baronnet était de la plus charmante humeur. Gwendolen regarda Daniel, qui devait avoir entendu les dernières paroles de sir Hugo ; mais il demeura aussi impassible qu’une statue. En apprenant que Deronda lui ferait voir, ainsi qu’à son mari, la propriété qui devait un jour leur échoir par héritage, et qui aurait dû, au moins elle le supposait, appartenir à Deronda si d’autres avaient rempli leurs devoirs envers lui, elle sentit se réveiller certaines pensées qu’elle avait au fond du cœur et qui revenaient maintenant à son esprit ; mais, avec sa promptitude habituelle de ressources énergiques, pour ne pas se trahir, elle dit malicieusement :

— Vous ne sauriez vous imaginer combien j’ai peur de M. Deronda ?

— Comment cela ? Est-ce parce que vous le savez trop savant ? demanda sir Hugo, auquel la particularité de son regard n’avait pas échappé.

— Non, c’est depuis que je l’ai vu à Leubronn. Quand il est venu regarder la roulette, j’ai commencé à perdre.