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luxueux des Gentils : il absorba le savoir et le répandit ; la race dispersée fut une nouvelle Phénicie travaillant aux mines de la Grèce, et transportant leurs produits dans le monde. Le génie natif de notre tradition ne devait pas demeurer immobile, mais se servir des souvenirs comme semence pour faire sortir de terre les vertus comprimées de la loi et de la prophétie. Et pendant que le Gentil disait : « Ce qui était à vous est à nous, et ne vous appartient plus » ; pendant qu’il lisait la lettre de notre loi comme une inscription à demi effacée ; pendant qu’il transformait nos parchemins en semelles de souliers pour une armée ivre de luxure et de cruauté, nos maîtres élargissaient encore notre loi et l’éclairaient d’une nouvelle interprétation. Mais la dispersion fut vaste, le joug de l’oppression une torture inouïe aussi bien qu’un fardeau ; on les força de s’exiler parmi des peuples brutaux, où la conscience de leur race ne fut pas plus claire pour eux que la lumière du soleil pour nos pères pendant la persécution romaine, obligés qu’ils furent de se cacher dans des cavernes, éclairés seulement par la flamme de leurs torches. Quoi d’étonnant après cela que des multitudes de notre peuple soient ignorantes, étroites, superstitieuses ? La nuit est en eux et ils ne voient pas ; dans leur obscurité ils sont incapables de rien deviner ; le soleil n’éclaire plus les prophètes, et le jour qui luit pour eux est trouble. Mais laquelle parmi les nations les plus importantes des Gentils est sans multitude ignorante ? Ils raillent les observances ignorantes de notre peuple : mais l’ignorance la plus maudite est celle qui n’a point d’observances : elle ressemble à l’instinct rusé du renard pour lequel la loi est une trappe ou le cri du chien qui aboie. Dans les multitudes d’ignorants qui observent nos rites et qui confessent l’unité divine, l’âme du judaïsme n’est pas morte. Ravivons le centre organique ! que l’unité d’Israël qui a fait la croissance et la forme de sa religion