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temps. Maintenant, avec tout le respect que je vous dois, je voudrais vous faire observer que nous en sommes arrivés à examiner la nature des changements, avant d’avoir une garantie pour les appeler progrès, lequel mot suppose une amélioration, bien que je le craigne mal choisi en ce sens, puisqu’un seul mouvement de côté peut nous faire tomber dans un bourbier ou dans un précipice. Je demande donc à poser les questions suivantes : Tout changement se fait-il dans la direction du progrès ? Si cela n’est pas, comment discernerons-nous que tel changement est un progrès et que tel autre n’en est pas ? Enfin, comment et jusqu’à quel point pourrons-nous agir sur le cours d’un changement, de façon à le pousser en avant s’il est bienfaisant et à le détourner s’il est nuisible ?

— Changement et progrès, répondit aussitôt Lilly, se confondent dans l’idée de développement. Les lois du développement sont découvertes, et les changements qui doivent se produire selon elles sont nécessairement progressistes ; c’est-à-dire que si nous avons une notion de progrès ou de perfectionnement qui leur soit opposée, cette notion est une erreur.

— Je ne vois pas, dit Deronda, comment vous arrivez à cette sorte de certitude sur les changements en les appelant développements. Il restera encore les degrés d’inévitabilité en relation avec notre volonté et nos actes, et les degrés de sagesse à les hâter ou à les retarder ; il restera encore le danger de prendre une tendance, à laquelle on devrait résister, pour une loi à laquelle nous devrions nous soumettre ; ce qui me semble une superstition aussi funeste, ou un Dieu aussi faux que tout ce qui a été établi sans la philosophie.

— C’est bien vrai, dit Mordecai. Malheur aux hommes de cette génération qui ne voient aucune place pour la résistance. J’ai foi en un accroissement, en un passage et en