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paresseux comme il l’est, j’imagine qu’il s’est laissé aller jusqu’au fond des plaisirs. Mais vous connaissez naturellement tout ce qui le regarde.

— Non, en vérité, répondit Deronda avec indifférence. Tout ce que je sais de lui, c’est qu’il est le neveu de sir Hugo.

Au même instant la porte s’ouvrit et empêcha une nouvelle confidence de M. Vandernoodt.

La scène était disposée de façon à faire valoir toute figure remarquable qui entrerait, et, certainement, quand M. et madame Grandcourt se montrèrent, personne n’aurait pu prétendre qu’ils manquaient de distinction. Le mari n’avait ni plus ni moins d’aise dans la perfection de sa tenue, ni plus ni moins d’impassibilité sur le visage qu’avant son mariage, et la femme qui s’appuyait sur son bras était telle que l’on pouvait s’attendre qu’il la choisirait. « Par George, s’écria M. Vandernoodt, je crois qu’elle est encore plus belle que jamais ! » Deronda était du même avis, quoiqu’il ne dît rien. Sa robe de soie blanche et ses diamants, — ceci peut paraître étrange, mais les diamants étincelaient à son cou, à ses oreilles, dans ses cheveux, — donnaient une touche plus imposante à sa beauté, qui paraissait à Deronda plus resplendissante et moins discutable, sinon plus satisfaisante, que quand il la vit pour la première fois à la table de jeu. À Diplow, il avait discerné en elle plus de ce tendre charme féminin qu’il ne s’y était attendu ; avait-elle subi un nouveau changement depuis lors ? Il se défiait de ses impressions ; mais, comme il la vit recevoir les saluts avec un air de quiétude orgueilleuse et froide et avec un sourire superficiel, il crut qu’au fond de son cœur dominait la même force démoniaque qui la possédait, lorsqu’elle le reçut avec son regard résolu en quittant la table de jeu après avoir perdu. Il n’eut pas le temps d’arriver à une conclusion, pas même de la saluer, avant l’appel pour le dîner.