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Warham et les autres garçons épiaient le moment favorable pour se faufiler près de la chambre de Rex et pour tâcher de voir cette chose incroyable, leur cher aîné couché et malade ; mais aussitôt arrivaient des taloches invisibles qui les en éloignaient. La garde toujours présente, infatigable, était Anna, dont la petite main tenait celle de son frère, qui ne lui répondait par aucune pression affectueuse. Son âme se partageait entre ses angoisses pour Rex et ses reproches pour Gwendolen.

— Peut-être suis-je méchante, se disait-elle, mais je crois que je ne pourrai plus aimer Gwendolen.

Madame Gascoigne elle-même était furieuse contre sa nièce et ne pouvait s’empêcher de dire à son mari :

— Je sais bien qu’il est préférable qu’elle n’aime pas ce pauvre garçon, et que nous devons l’en remercier ; mais, en vérité, Henry, je la trouve dure. C’est une coquette. Je ne puis me défendre de supposer qu’elle lui a fait des avances ; autrement, le désappointement ne l’aurait pas réduit au point où il en est. Il en revient quelque blâme aussi à ma pauvre Fanny ; elle est aveuglée sur le compte de sa fille.

M. Gascoigne répliquait alors avec gravité :

— Ma chère Nancy, moins nous parlerons de ce sujet mieux cela vaudra. J’aurais dû aussi être plus circonspect. Quant à notre fils, estimons-nous heureux qu’il ne lui soit rien arrivé de pis. Que tout cela s’éteigne aussi vite que possible, surtout à l’égard de Gwendolen ; qu’il en soit comme si rien n’était arrivé.

Le recteur était convaincu qu’il venait d’échapper à un grand danger. Gwendolen payant de retour l’amour de Rex, aurait été pour lui un problème redoutable dont il n’aurait pas su trouver la solution. Toutefois, d’autres difficultés étaient encore à surmonter.

Un beau matin, Rex demanda un bain, et fit sa toilette