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Vous m’obligerez personnellement. Lord Brackenshaw est très aimable, mais je suis sûr qu’il serait d’accord avec moi. Si l’on parlait de vous comme d’une jeune dame qui chasse, cela vous déplairait, j’en suis sûr. Croyez bien que Sa Seigneurie n’admettrait pas que lady Béatrice ou lady Maria suivissent la chasse si elles étaient d’âge à le faire. Quand vous serez mariée, ce sera différent : vous pourrez faire tout ce que votre mari sanctionnera. Mais, si vous avez l’intention de chasser, il faut épouser un homme qui ait le moyen de vous donner des chevaux.

— Pourquoi serais-je assez ridicule pour me marier sans avoir au moins cette perspective ? dit brusquement Gwendolen. Les paroles de son oncle lui avaient déplu ; elle le lui faisait voir ouvertement ; mais elle sentit qu’elle avait été un peu loin, et, après quelques minutes, elle sortit.

— Voilà comment elle s’exprime toujours sur le mariage, dit madame Davilow ; j’espère cependant que ce sera différent quand elle aura vu celui qui doit s’emparer de son cœur.

— Savez-vous si son cœur a jamais parlé ? demanda M. Gascoigne.

Madame Davilow remua doucement la tête et continua :

— Pas plus tard qu’hier elle m’a dit : « Maman, je me demande comment font les femmes pour s’éprendre de quelqu’un. C’est facile dans les romans ; mais les hommes sont trop ridicules. »

M. Gascoigne sourit et ne fit pas d’autre remarque. Le lendemain matin, en déjeunant, il dit :

— Comment vont tes contusions, Rex ?

— Encore un peu sensibles, mais elles commencent a guérir.

— Tu ne te sens pas disposé pour un voyage à Southampton ?

— Pas tout à fait, répondit Rex, dont le cœur battit violemment.