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dant, il fallait avoir pour ne pas répondre à un tel amour ! Prévoyant ce que son frère souffrirait, Anna commença à ressentir de l’éloignement pour sa trop séduisante cousine. Quant à Rex, malgré sa discrétion, si on l’avait interrogé à ce sujet, il aurait répondu qu’il avait mis tout son espoir dans cet amour et qu’avant de s’engager pour la vie, il ferait part de ses sentiments à son père. Chaque fois que ses parents voulaient lui parler, Anna devenait nerveuse et inquiète, craignant toujours qu’ils ne voulussent la questionner sur Rex et Gwendolen. Mais les parents n’avaient aucune idée de ce qui se passait et regardaient les allées et venues des jeunes gens comme à peine plus sérieuses que celles des fourmis.

— Où vas-tu, Rex ? demanda Anna à son frère, un matin que leur père était parti en voiture avec madame Gascoigne pour une de ses sessions, et après avoir remarqué que le jeune homme avait endossé celui de ses vêtements qui se rapprochait le plus d’un costume de chasse.

— Je vais voir lâcher les chiens aux Trois-Granges.

— Vas-tu chercher Gwendolen ?

— T’a-t-elle dit que je dusse y aller ?

— Non, mais je le croyais. — Papa sait-il que tu y vas ?

— Je ne pense pas ; mais je ne crois pas qu’il s’en inquiète.

— Monteras-tu son cheval ?

— Oui ; papa sait bien que je le monte quand c’est possible.

— Je t’en prie, Rex, ne laisse pas Gwendolen suivre la chasse.

— Pourquoi ? dit Rex avec un peu d’impatience.

— Parce que la tante Davilow, papa et maman désirent qu’elle n’y aille pas, et trouvent que ce ne serait pas convenable.