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— Je le tiens, s’écria Rex après une courte réflexion. Hermione, comme la statue dans le Winter’s Tale[1]. Je serai Leontes, et miss Merry fera Paulina. Notre costume importe peu, continua-t-il en riant ; ce sera plus shakspearien et plus romantique si Leontes ressemble à Napoléon et Paulina à une institutrice.

Hermione fut donc choisie ; mais Gwendolen insista pour qu’au lieu du simple tableau, il y eût un jeu de scène dans lequel on introduirait un peu de musique, afin de lui donner le signal de descendre et de s’avancer. Leontes, au lieu de l’embrasser, devait s’agenouiller et baiser le bord de son vêtement ; après quoi le rideau tomberait.

L’antichambre, avec ses portes battantes, se prêtait à merveille pour être disposée en théâtre, et avec l’aide de Jarrett, le menuisier du village, toute la maison fut employée aux préparatifs de ce divertissement. Gwendolen était ravie, car elle savait que Herr Klesmer était revenu à Quetcham ; elle ne manqua pas de le comprendre dans la série des invités.

Klesmer vint et se montra d’humeur placide et bienveillante. Tout marchait convenablement et mieux qu’on ne s’y était attendu, lorsque se produisit un incident qui fit passer Gwendolen par une phase d’émotions imprévue. Comment arriva-t-il ? C’est ce qui fut d’abord un mystère. Le tableau d’Hermione faisait beaucoup d’effet, car il sortait du genre représenté jusque-là : il fut accueilli par un murmure approbateur, qui ne cessa que quand Leontes donna la permission à Paulina d’exercer son art magique en faisant marcher la statue. Hermione, le bras appuyé sur une colonne, était élevée d’environ six pouces, ce qu’avait voulu Gwendolen pour pouvoir exhiber son joli pied, lors-

  1. Le Conte d’hiver, drame de Shakespeare. (Note du traducteur).