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à merveille en n’essayant pas d’être comique. On dut un peu retarder la représentation à cause de la résolution prise par Gwendolen de paraître avec son costume grec. Elle n’avait pas réussi à trouver un mot de charade pouvant servir à réaliser son idée. Choisir une scène de Racine n’était pas praticable, puis que Rex ni les autres ne savaient déclamer les vers français et que tenter une improvisation eût été s’exposer à tomber dans le burlesque. En outre, M. Gascoigne s’opposait à ce qu’on jouât même des extraits de pièces de théâtre : il protestait, il est vrai, contre le préjugé qui prétend qu’un amusement qui sied à tous ne convient pas pour cela à un ecclésiastique, mais il ne voulait pas non plus dépasser la limite de décorum fixée, à propos de cette matière, dans le Wessex, et il permettait aux jeunes gens de jouer des charades chez sa belle-sœur, et rien de plus.

Chacun s’efforça de répondre au désir de Gwendolen, et Rex proposa un tableau dans lequel l’effet de sa majesté ne serait diminué par aucun discours. Elle adhéra sur-le-champ à cette proposition ; la seule question fut le choix du tableau.

— Quelque chose d’honnête, enfants, je vous en supplie, dit madame Davilow ; point d’immoralité grecque.

— Elle n’est pas pire que l’immoralité chrétienne, maman ; fit Gwendolen, à qui le souvenir des héroïnes Racheliennes avait inspiré cette réponse.

— Et moins scandaleuse, ajouta Rex. Du reste ; on n’y pense que comme à une chose entièrement passée et finie. Que dites-vous de Briséis emmenée captive ? Je serais Achille et vous me regarderiez, comme dans la gravure que nous avons au presbytère.

— Ce serait une bonne attitude pour moi, mais j’y renonce. Il faudrait trois hommes costumés, autrement ce serait ridicule.