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applaudissements ; mais, comme elle se montra indigne de cette faveur, en faisant observer que miss Harleth ressemblait plutôt à une reine dans sa toilette ordinaire, que dans cette espèce de sac avec ses bras nus, elle ne fut plus invitée.

— Ne suis-je pas aussi bien que Rachel, maman ? dit Gwendolen, un jour qu’elle avait posé devant Anna dans son costume grec, et déclamé des fragments de tragédie avec plus d’intention dramatique que de talent véritable.

— Tu as de plus beaux bras que Rachel, répondit madame Davilow. Tes bras peuvent tenir lieu de tout, Gwendolen ; mais ta voix n’est pas aussi tragique que la sienne ; elle n’est pas assez grave.

— Je pourrais la faire plus grave si je voulais ; mais je crois qu’une voix moins sombre est plus tragique, elle est plus féminine, et plus une femme reste de son sexe, plus elle paraît tragique. Il n’est pas nécessaire qu’elle fasse des actions désespérées.

— Il y a du vrai dans cela, mais je ne vois pas la nécessité de nous faire frémir. S’il s’agit de quelque chose d’horrible, je préfère qu’on le laisse aux hommes.

— Oh ! maman, que vous êtes donc prosaïque ! Comme si les grands criminels poétiques n’étaient pas des femmes ! Les hommes ne sont que de pauvres êtres bien prudents.

— Eh bien, ma chérie, et toi ? N’as-tu pas peur quand on te laisse seule la nuit ? Dieu merci, je ne crois pas que tu serais bien hardie dans le crime.

— Il n’est pas question de réalité, maman, fit Gwendolen avec impatience.

Sa mère ayant été appelée au dehors, elle revint à sa cousine et lui dit :

— Anna, il faut demander à mon oncle de nous faire jouer des charades au presbytère. M. Middleton et Warham nous seconderont, seulement pour essayer. Maman trouve