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que miss Arrowpoint était d’une affabilité de manières parfaite.

Mais Gwendolen n’aimait pas à fixer longtemps son attention sur des faits qui jetaient sur elle une lumière défavorable. À part l’effet produit par sa beauté et dont sa vanité fut très flattée, elle n’éprouva pas autant de satisfaction qu’elle l’avait espéré de ses autres invitations, et, revenue à Offendene, elle s’en consolait en lançant de petites saillies satiriques dans le genre de celle qui avait offusqué madame Arrowpoint. Auprès de sa mère, elle fit la revendication de ses droits individuels en déclarant qu’elle ne voulait plus donner de leçons à Alice, se fondant sur le principe déjà posé par elle, qu’Alice n’était bonne à exceller qu’en ignorance. Elle l’employa avec miss Merry et la bonne, à confectionner des costumes de théâtre, qu’elle préparait pour les occasions futures où l’on jouerait des charades ou de petites pièces, occasions qu’elle comptait bien faire naître, soit par la force de sa volonté, soit par l’adresse de ses combinaisons.

Elle n’avait jamais joué la comédie, mais seulement figuré dans des Tableaux vivants lorsqu’elle était à la pension ; elle n’en avait pas moins la prétention de très bien jouer, et, comme une fois ou deux elle assista aux représentations du Théâtre-Français, comme sa mère lui parlait assez souvent de Rachel, ses rêves et ses réflexions sur les moyens de diriger sa destinée la portaient à se demander si elle ne pourrait pas devenir actrice et faire autant de bruit dans le monde que Rachel, puisqu’elle était beaucoup plus belle que cette frêle juive.

Les jours de pluie qui précédèrent les fêtes de Noël s’étaient passés lestement dans la préparation de costumes grecs, orientaux et autres, qu’elle essayait ensuite en déclamant devant un public composé des domestiques, y compris la cuisinière, admise une fois pour renforcer les