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toujours vivre de charité, quoique, — elle enveloppa ses trois amis d’un seul regard, — quoique ce soit la plus douce charité du monde.

— J’espère que vous deviendrez riche, dit Deronda en souriant. De grandes dames seront peut-être bien aises que vous donniez des leçons à leurs filles. Nous verrons. Maintenant chantez-nous encore quelque chose.

Elle recommença volontiers et chanta plusieurs compositions de Gordigiani et de Schubert. Comme elle quittait le piano, Mab lui dit d’un air suppliant :

— Oh ! Mirah, si vous vouliez bien chanter le petit hymne ?

— C’est trop enfantin, répliqua-t-elle ; c’est presque un bégaiement.

— Quel est cet hymne ? demanda Deronda.

— C’est celui que sa mère lui chantait quand elle était au berceau, répondit madame Meyrick.

— Je voudrais bien l’entendre, dit Deronda, si toutefois vous me jugez digne d’entendre quelque chose d’aussi sacré.

— Je le chanterai si vous voulez, répondit Mirah, mais je ne dis pas exactement les mots ; seulement par-ci par-là une syllabe ; le reste n’est qu’un bégayement. Savez-vous l’hébreu ? Si vous le savez, mon chant vous paraîtra une absurdité enfantine.

Deronda hocha la tête.

— Ce sera de l’excellent hébreu pour moi.

Mirah croisa tranquillement ses petits pieds et ses mains mignonnes ; puis, dirigeant ses yeux vers un angle de la chambre où l’on aurait pu croire qu’une apparition se montrait à elle, elle chanta le petit hymne qui était d’une mélancolie originale. Sa voix avait une tendresse plus douce, plus suave que dans ses autres airs.

— Si je savais bien les mots, je continuerais encore,