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Elle a l’air amplement satisfait et paraît pleine de gratitude. Mes filles prennent des leçons avec elle, et espèrent lui procurer d’autres élèves ; car elle ne veut pas manger le pain de la paresse, mais travailler comme mes filles. Mab dit que notre existence est devenue comme un conte de fées, et tout ce qu’elle craint, c’est que Mirah ne se change en rossignol et ne s’envole loin de nous. Sa voix est naturellement parfaite ; ni éclatante ni forte, mais pénétrante et touchante au possible. »

Cependant, madame Meyrick n’entra pas dans les détails qui l’auraient obligée de dire qu’Amy et Mab, qui avaient accompagné Mirah à la synagogue, trouvaient la foi juive moins conciliable avec leurs désirs que celle de la Rebecca de Scott. Par délicatesse, elles n’en disaient rien à Mirah, pour laquelle la religion était un sujet trop sérieux pour être traité légèrement ; mais, au bout d’un certain temps, Amy, qui avait en elle beaucoup du réformateur pratique, ne put retenir une question.

— Excusez-moi, Mirah, mais vous semble-t-il juste que les femmes soient assises derrière des barreaux dans une galerie à part ?

— Oui. Je n’ai jamais pensé autrement, répondit Mirah avec un doux sourire de surprise.

— Et préférez-vous voir les hommes avec leurs chapeaux sur la tête ? ajouta Mab avec une prudence cauteleuse.

— Mais oui : j’aime cela, parce que je l’ai toujours vu ; cela me rappelle des sentiments dont je ne voudrais me séparer pour rien au monde.

Après ce petit échange de paroles, toute critique de doctrine ou de pratique aurait semblé une cruauté inhospitalière à ces généreuses fillettes. La religion de Mirah était de la même nature que ses affections, et jamais elle n’y avait pensé comme à une série de propositions.

— Elle dit qu’elle est mauvaise juive et qu’elle ne connaît