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que ses yeux lançaient des éclairs. La pauvre femme sentait bien que ces paroles pouvaient lui faire du tort et annuler tous les avantages que lui avait procurés sa longue patience ; mais elle n’avait pu les retenir.

La position était exaspérante pour lui ; il ne pouvait ni la menacer, ni agir hostilement avec elle ; l’eût-il pu, que cela ne lui aurait pas rendu les diamants. Rien ne lui déplaisait plus que d’être poussé à la violence, même en paroles ; sa volonté devait s’imposer sans trouble pour lui. Après l’avoir bien regardée, il dit :

— Quelles idiotes infernales que les femmes !

— Pourquoi ne voulez-vous pas me dire où vous irez après votre mariage ? Je pourrais assister à la noce, si je voulais, dit Lydie, sans reculer devant l’espèce de suicide que sa menace pouvait lui occasionner.

— Certes, si vous le voulez, vous pouvez vous conduire comme une folle ! répondit Grandcourt avec un sotto voce méprisant. Il faut supposer que vous ne pensez pas au bien qui en résultera pour vous, ni à ce que vous me devez.

Il ne dit rien de plus, regarda sa montre, agita la sonnette et ordonna qu’on attelât immédiatement sa voiture. Puis il s’éloigna d’elle et ne la regarda plus. Elle souffrait horriblement ; elle se faisait des reproches ; elle voyait Grandcourt la quitter sans lui dire un mot ; il la laisserait dans une affreuse incertitude ; elle n’entendrait plus rien de lui ; elle ne savait pas si elle ne faisait point de tort à ses enfants ; peut-être en viendraient-ils à la haïr ! Ah ! si elle n’avait pas été mère, elle se serait volontiers sacrifiée à sa vengeance. Ses deux passions dominantes étaient en lutte : comment les satisfaire l’une et l’autre ?

— Ne nous séparons pas en colère et fâchés, Henleigh, répondit-elle sans bouger ni changer d’attitude ; ce que je vous demande est bien peu de chose. Si je refusais de