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petites filles levèrent timidement leurs yeux noirs vers le nouvel arrivant. Aucun des enfants ne paraissait avoir un goût bien vif pour l’ami de leur mère ; en effet, quand il eut pris la main de madame Glaslier, et qu’il voulut caresser la tête d’Henleigh, cet énergique rejeton lui donna des coups de poing sur le bras. Les petites filles se soumirent humblement à être embrassées et caressées sous le menton ; mais, en somme, elles préférèrent de beaucoup être envoyées au jardin, où aussitôt elles se mirent à courir et à jouer avec les chiens.

— D’où arrivez-vous ? demanda madame Glasher lorsque Grandcourt se fut débarrassé de son chapeau et de son paletot.

— De Diplow, répondit-il en s’asseyant en face d’elle et en la regardant d’une façon qu’elle remarqua.

— Vous devez être fatigué, alors.

— Non ; je me suis reposé à la jonction, un trou hideux. Ces voyages en chemin de fer sont diablement ennuyeux. J’ai pris du café et fumé.

Madame Glasher frissonnait à chacune de ses paroles, qui lui inspiraient tantôt de la crainte, tantôt de l’espoir.

— Je m’attendais à vous voir, dit-elle ; il y a si longtemps que je n’ai rien entendu de vous ! Les semaines paraissent plus longues à Gadsmere qu’à Diplow.

— Oui, dit Grandcourt. Vous a-t-on payé à la banque ?

— Oh ! certainement ! répondit-elle avec impatience ; car elle remarquait que Grandcourt d’ordinaire s’occupait plus d’elle et des enfants qu’il ne le faisait cette fois.

— Ah ! reprit-il en jouant avec ses favoris et sans la regarder, le temps s’est écoulé rapidement pour moi ; il passe cependant trop lentement d’habitude. Mais il est arrivé bien des choses, vous savez ?

— Moi ? que sais-je ? objecta-t-elle vivement.

Il laissa passer un instant et reprit :