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languissant et traînard, elle avait remarqué qu’il savait toujours quoi dire et qu’il était tout l’opposé d’un imbécile. De plus, sa tenue d’amoureux et de fiancé n’avait jamais dépassé la limite des bienséances. Un jour, cependant, il s’était permis de l’embrasser, non pas sur la joue, mais sur le cou, au-dessous de l’oreille. Surprise, elle avait tressailli et s’était levée dans une agitation marquée. Il se leva aussi et lui dit :

— Pardon, vous ai-je offensée ?

— Non, répondit-elle d’une voix un peu tremblante ; mais je n’aime pas que l’on m’embrasse sous l’oreille.

Elle reprit sa place à côté de lui en souriant gracieusement, mais son cœur ne cessa de battre sous une crainte vague : elle n’avait plus la liberté de se moquer de lui, comme elle s’était moquée du pauvre Rex ; son agitation ne parut pas déplaire à Grandcourt, qui eut soin de ne plus commettre de transgression.

Ce jour-là, une petite pluie empêcha la promenade à cheval ; mais un colis était arrivé de Londres, et madame Davilow venait de quitter la chambre après avoir admiré toutes les belles choses commandées par Grandcourt et qui étaient étalées sur tous les meubles. Gwendolen regarda son fiancé d’un petit air sournois et lui dit :

— Pourquoi demain est-il le seul jour convenable pour ma visite à Diplow ?

— Parce que demain a lieu l’ouverture de la chasse.

— Et le jour d’après ?

— Il faudra que je m’absente ; c’est très ennuyeux, mais j’ai besoin d’un jour pour aller et du lendemain pour revenir.

Remarquant une altération sur le visage de Gwendolen, il posa une de ses mains sur les siennes et ajouta :

— Voyez-vous une objection à faire à ce voyage ?

— L’objection ne servirait à rien, répondit froidement