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n’indispose plus Grandcourt que quand les avocats ou les gens de loi viennent lui mettre leurs papiers sous le nez sans qu’il les ait appelés.

» Espérant que votre séjour à Leubronn vous aura mis dans les meilleures dispositions de santé pour cet hiver, je demeure, mon cher sir Hugo,

 » Votre très dévoué,
 » THOMAS CRANMERE LUSH. »

Sir Hugo, ayant reçu cette lettre pendant son déjeuner, la tendit à Deronda, qui, bien qu’il eût son appartement en ville, l’occupait assez rarement, le baronnet ne pouvant se passer de lui. Très causeur de sa nature, sir Hugo aurait aimé ce jeune compagnon, quand même il n’y aurait pas eu entre eux de raisons particulières d’attachement. De son côté, Deronda éprouvait pour le baronnet une affection que nous pourrions qualifier de féminine, qui le disposait à céder dans les détails ordinaires de la vie, mais il avait aussi une inflexibilité de jugement et une indépendance d’opinion véritablement masculines. Après avoir lu la lettre, il la rendit sans dire un mot, tout en protestant à part lui contre l’idée de Lush, qui proposait une ingérence de son fait dans les affaires de la famille.

— Qu’en dis-tu, Dan ? lui demanda sir Hugo. Cela ne te serait pas désagréable, hein ? Il y a bien des années que tu n’as vu Diplow, et, si tu y allais la semaine prochaine, tu ferais de fameuses chasses au lévrier.

— Ce n’est pas cela qui m’y attirerait, répondit Daniel, qui mit toute son attention à étendre du beurre sur son pain.

Se rendre à Diplow ne lui était rien moins qu’agréable, mais il le ferait pour obliger sir Hugo.

— Je crois l’idée de Lush bonne, et il serait fâcheux de manquer l’occasion.