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lement dramatique, peut-être aurait-il évalué ses charmes plus haut qu’il ne l’avait fait.

Quand les deux fiancés eurent galopé à souhait, l’état d’exhilaration où elle se trouvait la disposa favorablement pour consentir à hâter l’époque du mariage ; elle pourrait alors jouir quand elle le voudrait de cet étourdissant plaisir. Elle ne voulut plus discuter sur un acte auquel elle s’était volontairement soumise, et consentit à fixer le jour des noces à trois semaines de là, malgré la difficulté d’obéir aux lois ordinaires du trousseau.

Lush apprit l’engagement par des signes nombreux et non équivoques, mais n’en fut pas officiellement informé. Il attendait une communication ; n’en recevant pas, il s’impatienta, après quelques jours, du silence de Grandcourt, car il était absolument certain que le changement affecterait sa position, et il désirait exactement savoir à quoi s’en tenir. Il avait changé de tactique ; il ne faisait plus d’opposition. Certes, il aurait pu causer de l’ennui à Grandcourt, mais c’eût été à son propre détriment, et contrarier pour le plaisir de contrarier, n’en était pas un pour lui. Assurément il n’aurait pas été fâché de faire échec à miss Gwendolen ; mais, après tout, il ne savait pas ce qui arriverait. Ayant protesté contre ce mariage, Lush prévit que les conséquences ne pouvaient qu’en être fâcheuses pour lui. Grandcourt se donnait la peine d’écrire lui-même ses lettres et de faire exécuter ses ordres, au lieu d’y employer Lush ; il faisait mine d’ignorer même sa présence, car il déjeunait seul dans son cabinet de toilette ; mais, comme il était impossible d’éviter le tête-à-tête dans une maison où il n’y avait encore aucun hôte étranger, Lush se décida à profiter de la première occasion qui s’offrirait à lui.

Un jour, après le dîner, certaines difficultés empêchant Grandcourt de dîner à Offendene, il lui dit à brûle-pourpoint :