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les prés verdoyants des parcs qui sont la principale beauté de cette partie du Wessex ; mais, quoique bâtie au milieu de terrains plats et unis, et comme placée derrière un écran, elle avait une éclaircie sur le vaste monde à travers les dunes grises creusées par l’action incessante des éléments.

Ce modeste domaine ne produisait qu’un revenu assez médiocre ; la maison n’était même pas facile à louer, à cause de son ameublement démodé et de ses tentures fanées. Toutefois, l’extérieur et l’intérieur prouvaient qu’elle n’avait pas été habitée par des commerçants retirés des affaires, et cette certitude avait bien une certaine valeur aux yeux de personnes dont le rang touchait à la limite de la noblesse. D’ailleurs, elle avait servi de résidence à une comtesse douairière, et madame Davilow en avait éprouvé une satisfaction visible.

Cet état de choses était devenu possible à la mort du capitaine Davilow, qui, pendant les neuf dernières années de sa vie, n’était venu voir sa famille qu’à de rares intervalles, suffisants toutefois pour la réconcilier avec ses longues absences. Gwendolen avait toujours tenu en horreur le genre de vie de ses parents, errant à travers le monde, passant d’une ville d’eaux quelconque dans une autre, d’un appartement parisien dans un appartement de province, éprouvant sans cesse de nouvelles antipathies pour ces chambres et ces meubles loués, et pour les nouvelles connaissances de condition presque toujours inférieure. La circonstance d’être demeurée deux ans dans un pensionnat à la mode où, dans presque toutes les occasions d’étalage, on la mettait en avant, n’avait fait que consolider sa persuasion qu’une personne comme elle ne pouvait rester dans une position sociale ordinaire. Les craintes d’un semblable malheur disparaissaient, maintenant que sa mère allait avoir une maison à elle ; car, sur le chapitre de la naissance, Gwendolen se sentait à son aise. Elle ne savait