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— Il veut que je la mette moi-même, afin de n’être pas obligé de me demander la permission de me la passer au doigt. Ah ! il est très fier, mais je le suis aussi. Nous nous valons. Je détesterais un homme qui se mettrait à mes genoux et qui me cajolerait. Il n’est vraiment pas désagréable.

— C’est un éloge bien modéré, Gwen,

— Non, il ne l’est pas, répéta-t-elle gaiement ; mais, maintenant, il est temps de m’habiller. Voulez-vous me coiffer, chère maman, — et, en disant ces mots, elle pressa sa joue contre celle de sa mère, — et ne plus être mauvaise en disant que vous voudriez vivre dans la pauvreté ?… Il faut me laisser vous rendre l’existence confortable, quand même cela vous déplairait. M. Grandcourt se conduit parfaitement, n’est-ce pas ?

— Certes, oui ! répondit madame Davilow encouragée et persuadée qu’après tout sa fille aimait son prétendu. Toute la sollicitude de la mère se portait, non sur le caractère de Grandcourt, mais sur l’humeur avec laquelle Gwendolen l’accepterait.

Ce matin, l’humeur avait passé par une nouvelle phase. Pendant qu’elle procédait à sa toilette, elle avait appelé à elle tous les motifs qui pouvaient justifier son mariage, et celui sur lequel elle insista davantage fut la détermination que, quand elle serait la femme de Grandcourt, elle ferait en sorte qu’il se montrât libéral envers les enfants de madame Glasher. « D’ailleurs, qu’en résulterait-il pour elle si je ne l’épousais pas ? se disait-elle. Quel serait son avantage ? Il pouvait en faire sa femme et il ne l’a pas voulu. Peut-être est-ce elle qui est à blâmer ? Il doit y avoir certainement contre elle des choses que j’ignore ; il faut qu’il ait été bon pour elle ; sans quoi, elle ne tiendrait pas tant à l’épouser. » Mais cet argument ne tarda pas à lui paraître douteux. Madame Glasher devait naturellement vouloir écarter