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causé une forte agitation ; elle n’osa pas en parler avant de voir sa fille redevenue plus calme. Mais Gwendolen, pour qui l’action de pleurer avait toujours été une manifestation pénible à laquelle il fallait résister de tout son pouvoir, passa son mouchoir sur ses yeux, et, après avoir poussé un gros soupir, elle regarda sa mère, qui se tenait devant elle pâle et tremblante.

— Ce n’est rien, maman, dit Gwendolen qui s’imaginait que sa mère n’était si émue que parce qu’elle l’avait trouvée dans le désespoir ; c’est passé maintenant.

Elle aperçut alors la lettre que tenait madame Davilow.

— Quelle est cette lettre ? demanda-t-elle avec amertume ; encore une mauvaise nouvelle ?

— Je ne sais ce que tu en penseras, ma chérie ; mais tu ne devineras pas d’où elle vient.

— Ne me demandez pas de rien deviner, dit-elle avec un peu d’impatience.

— C’est à toi qu’elle est adressée, mon enfant ; elle vient de Diplow, dit madame Davilow en lui tendant la lettre.

Elle connaissait l’écriture presque illisible de Grandcourt, et sa mère ne fut pas surprise de la voir rougir jusqu’au blanc des yeux. Après en avoir pris lecture, elle la tendit à madame Davilow. Cette lettre ne renfermait que quelques mots, mais ils étaient formels.

« M. Grandcourt présente ses compliments à miss Harleth, et désire savoir si elle veut bien lui permettre de se présenter demain, après deux heures, à Offendene, et de la voir seule. M. Grandcourt arrive de Leubronn, où il avait espéré trouver miss Harleth. »

Puis elle rendit le billet à Gwendolen, qui le laissa tomber par terre.

— Il faut répondre, ma chérie, dit timidement la mère, le domestique attend.

Gwendolen demeurait assise, comme pétrifiée.