Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je n’ai rien à dire, maman. Que pourrais-je faire de mieux ? je devrai me croire bienheureuse s’ils veulent de moi. Il faut que je gagne de l’argent pour vous ; c’est la seule chose à laquelle j’aie à penser. Je ne dépenserai pas un penny cette année, vous aurez les quatre-vingts livres. Je ne sais pas trop ce qu’il faut pour un ménage, mais j’espère que vous n’aurez pas besoin de piquer vos pauvres doigts jusqu’aux os, ni de perdre le peu de vue que les larmes ont laissé à vos chers yeux.

Cependant elle n’ajouta pas de caresses à ses paroles, ainsi qu’elle le faisait d’habitude ; elle ne regarda pas non plus sa mère ; ses regards ne pouvaient se détacher du collier de turquoises qu’elle tenait en mains.

— Dieu te bénisse pour ta tendresse, mon cher trésor, dit madame Davilow les yeux pleins de larmes. Ne te désespère pas parce qu’un nuage nous empêche de voir le soleil. Tu es si jeune ! Il peut encore y avoir bien des beaux jours pour toi.

— Je ne vois rien qui me permette d’en espérer, maman, repartit Gwendolen d’un ton rogue, et madame Davilow se tut en pensant, comme elle l’avait déjà fait souvent : « Que s’est-il donc passé entre elle et M. Grandcourt ? »

— Je garderai ce collier, maman, dit Gwendolen en le mettant à part et en refermant la cassette ; mais faites vendre les autres bijoux, même s’ils ne doivent pas rapporter beaucoup. Demandez à mon oncle ce qu’il faut en faire. Pour moi, il est certain que je ne m’en servirai plus. Je vais prendre le voile. Je me demande si les malheureuses qui l’ont pris jamais ont ressenti ce que j’éprouve !

— N’exagère pas, chère enfant.

— Comment pourrait-on savoir si j’exagère quand je parle de mes propres sentiments ? Je n’ai pas dit ce qu’un autre a pu ressentir.

Elle tira le mouchoir de sa poche et en enveloppa le col-