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fant de plus en plus. — Il n’y a aucune pointe dans ce sarcasme, si ce n’est celle de l’irrévérence.

— Je serais désolée de vous blesser, maman ; mais je ne veux pas sacrifier le bonheur de ma vie à des idées auxquelles je ne crois pas, et à des coutumes pour lesquelles je n’ai aucun respect.

— As-tu donc perdu tout sentiment du devoir ? Oublies-tu donc que tu es notre unique enfant, qu’il dépend de toi de mettre une grande fortune dans des mains convenables ?

— Quelles sont les mains convenables ? Mon grand-père a gagné sa fortune dans le commerce.

— Monsieur Arrowpoint, écouterez-vous cela sans rien répondre ?

— Je suis gentilhomme, Kate, dit le père en faisant un effort, et nous comptons te marier à un gentilhomme.

— Et à un homme attaché aux institutions de ce pays, ajouta la mère. Une femme dans votre position, mademoiselle, a de sérieux devoirs à remplir. Quand le devoir et l’inclination se combattent, elle doit obéir au devoir.

— Je le nie, objecta Catherine, devenant plus froide à mesure que sa mère s’enflammait davantage. On peut dire des choses vraies et mal les appliquer. Certaines personnes se servent volontiers du mot sacré de devoir pour l’appliquer aux autres, mais non à elles-mêmes.

— Alors les désirs de vos parents ne sont pas des ordres pour vous ?

— Pardon, mais dans les limites de la raison. Avant de renoncer au bonheur de ma vie…

— Catherine, Catherine ! gémit madame Arrowpoint en interrompant sa fille, ce ne sera pas le bonheur de ta vie.

— Eh bien, avant de renoncer à ce que je crois le bonheur de ma vie, je veux que l’on me donne de meilleures