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— Mais alors on irons-nous ? demanda Gwendolen avec un peu de dureté dans la voix. Une crainte nouvelle l’avait saisie.

— C’est tout décidé. Nous aurons un petit mobilier venant du presbytère. La pauvre mère hésitait ; elle redoutait de porter un coup trop rude à sa fille. — Nous irons nous établir à Sawyer’s Cottage.

Gwendolen devint pâle de colère et dit avec hauteur :

— C’est impossible ! Il fallait chercher autre chose que cela ! Mon oncle n’aurait pas du le permettre. Moi, je m’y refuse.

— Mon enfant chérie, à quelle autre résidence aurait-on pu penser ? Ton oncle est aussi bon qu’on peut l’être, mais il souffre lui-même ; il a sa famille à élever. Tu ne m’as donc pas comprise ? Sache-le bien : nous n’avons plus rien, absolument plus rien que ce que ma sœur et son mari nous donnent ! Il faut que nous essayions de gagner un peu d’argent par notre travail. Tes sœurs et moi, nous brodons une nappe pour les dames patronnesses de Wancester et un drap de communion que les paroissiens veulent offrir à l’église de Pennicote.

Madame Davilow donnait timidement tous ces détails pour préparer sa pauvre enfant à se soumettre, hélas ! à l’infortune.

— Il est certain, reprit Gwendolen avec insistance, qu’on aurait pu trouver autre chose que Sawyer’s Cottage ! L’idée d’habiter cette maison qui avait été celle d’un employé de la régie, était un cauchemar pour elle.

— Non, ma chérie. Les maisons sont rares et nous devons nous estimer heureuses d’en avoir une pour nous seules. Elle n’est pas si laide que tu crois. Il y a deux petits parloirs et quatre chambres à coucher. Tu pourras être seule quand tu le voudras.

Le souci de Gwendolen pour le bien-être de sa mère