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quand le soleil eut disparu, il me sembla que le moment d’en finir était venu. Vous savez ce qui est arrivé ensuite ; il a dû vous le dire. La foi me revint ; je n’étais plus abandonnée ; vous a-t-il raconté comment il m’a trouvée ?

La réponse de madame Meyrick ne fut pas intelligible, mais elle posa maternellement ses lèvres sur le front de Mirah.

— C’est une perle que la boue n’a fait que laver, dit la petite femme à Deronda, après qu’elle lui eut rapporté l’histoire de Mirah.

— Que pensez-vous de la recherche de sa mère ? demanda Daniel. N’avez-vous point de crainte ? Moi, j’en ai, je l’avoue.

— Je crois que sa mère est bonne, répondit madame Meyrick, ou qu’elle était bonne. Elle est peut-être morte, voilà ma crainte. Soyez sûre qu’elle ne ressemblait pas à son scélérat de mari. De qui l’enfant tiendrait-elle sa bonté ? C’est le froment qui donne la fleur de farine.

Deronda fut un peu désappointé de cette réponse et demeura indécis. L’argument pouvait cependant ne pas s’appliquer au frère, et madame Meyrik admit la possibilité que ce frère eût l’ignoble caractère de son père. Puis, si l’on faisait des annonces dans les journaux sous le nom de Cohen, Mirah serait toujours dans des transes ; lorsque madame Meyrik lui en avait parlé, elle avait frémi en disant que son père pourrait ainsi être prévenu ; car il lisait beaucoup de journaux et surtout les annonces. Deronda était d’avis d’attendre encore, attendu qu’il allait partir pour l’étranger, et que son voyage durerait une couple de mois. Il tenait à être à Londres quand on commencerait les recherches afin de pouvoir éviter cette peine à madame Meyrick, en supposant qu’elle fût assez généreuse pour continuer à veiller sur Mirah.

— Nous serions jalouses si vous en chargiez d’autres