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eaux des profondeurs immenses brisent leurs entraves ; les cataractes du ciel s’entr’ouvent !.. Il faut que je fasse des gammes !

Mab, à ces mots, alla ouvrir le piano. Ses sœurs riaient en voyant son enthousiasme, lorsqu’une voiture s’arrêta devant la maison, et l’on entendit frapper à la porte d’entrée.

— Mon Dieu ! s’écria madame Meyrick en se levant : Il est dix heures passées et Phœbé est allée se coucher.

Elle s’empressa de sortir en laissant ouverte la porte du parloir.

« M. Deronda ! » Les jeunes filles entendirent cette exclamation de leur mère. Mab se serra les mains en disant :

— Eh bien, voilà !… Le quelque chose que j’attendais est arrivé.

Kate et Amy cessèrent de travailler, tant elles étaient surprises ; mais Deronda parla si bas, qu’elles ne purent rien entendre, et madame Meyrick ferma tout à coup la porte du parloir.

— Je sais que je puis avoir en votre bonté une confiance sans bornes, dit Deronda après un court récit des événements ; vous pouvez vous imaginer combien je suis embarrassé avec cette pauvre petite. Je ne puis la confier à des étrangers, et, dans l’état nerveux où elle se trouve, je craindrais de la placer dans une maison pleine de domestiques. Je me suis fié à votre merci. J’espère que vous ne considérerez pas mon action comme injustifiable.

— Au contraire. Vous me faites honneur en comptant sur moi. Je vois dans quel embarras vous êtes. Amenez-la, je vous prie. Je rentre pour préparer mes enfants à la recevoir.

Tandis que Deronda retournait vers la voiture, madame Meyrick reparut dans le parloir et dit :

— Il nous est arrivé quelqu’un dont il faudra prendre