dernier point ; peut-être ma mère était-elle une créature abandonnée comme celle-ci ! » La jeune fille s’avança près du bateau. Pour l’aider à y entrer, il lui tendit une main dans laquelle elle mit la sienne. Mais tout à coup elle recula, en disant :
— Je ne sais où aller ! Je ne connais personne en ce pays.
— Je vous mènerai chez une dame qui a des filles, dit Deronda.
Mais elle hésitait toujours et reprit avec plus de timidité :
— Appartenez-vous au théâtre ?
— Non, je n’ai rien à faire avec le théâtre. Je veux vous mettre en sûreté chez une dame excellente ; je suis certain qu’elle sera bonne pour vous. Ne perdons point de temps, vous vous rendriez malade. La vie peut encore être belle pour vous. Il y a de bonnes gens ; il y a de bonnes âmes qui prendront soin de vous.
Elle ne recula plus ; elle entra avec aisance dans le canot et s’assit sur les coussins.
— Vous aviez quelque chose sur la tête, dit Deronda.
— Mon chapeau ? Il est caché dans les arbres.
— Je le trouverai. Soyez sans crainte, le bateau est amarré.
Il ne fit qu’un bond jusqu’au chapeau et ramassa aussi le manteau, qu’il jeta au fond du canot.
— Il faut que nous l’emportions, afin que ceux qui vous auraient observée ne puissent supposer que vous vouliez vous noyer, dit-il en lui présentant son chapeau. Je voudrais bien avoir un autre vêtement à vous offrir que ma cotte. Gardez-la sur vos épaules tant que nous serons sur l’eau ; c’est ce que l’on fait d’ordinaire quand on rentre tard et que l’on n’a pas autre chose pour se couvrir.
Il la lui tendit en souriant ; elle lui répondit par un sourire mélancolique, prit la cotte et s’en couvrit.