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il était disposé à contracter une étroite amitié lui parla longuement de ses parents et attendit de lui une semblable confidence. Il se tint sur la réserve, et cette expérience l’empêcha de céder à son penchant naturel pour l’intimité. Ses camarades et ses maîtres le qualifiaient de garçon mystérieux ; mais il était toujours de si bonne humeur, il avait si peu de prétention, il se montrait si vif à l’étude et au jeu, que personne ne put trouver à redire à sa réserve.

Une surprise, qui lui arriva pendant la première année de son séjour à Éton, le confirma dans sa résolution de garder le silence sur sa peine intérieure. Sir Hugo lui écrivit qu’il avait épousé miss Raymond, aimable et douce personne, dont Daniel devait avoir conservé le souvenir. Cet événement ne devait rien changer à la résolution prise de venir passer ses vacances à l’abbaye ; il trouverait en lady Mallinger une nouvelle amie qu’il aimerait aussi sans doute.

Que l’on veuille bien excuser sir Hugo jusqu’à ce que l’on connaisse mieux les vrais motifs qui le faisaient agir. Il savait parfaitement que, généralement, on considérait Daniel comme son fils ; mais cette supposition ne lui déplaisait pas, et jamais il ne s’était inquiété si le jeune homme, un jour ou l’autre, serait affecté désagréablement en connaissant son énigmatique situation. Il l’aimait tendrement et en avait la meilleure opinion. Il était demeuré célibataire jusqu’à quarante-cinq ans ; on l’avait toujours regardé comme un charmant homme, de goûts élégants ; quoi de plus naturel alors qu’il prît soin d’un beau garçon comme Deronda ? La mère pouvait même être du grand monde et se rencontrer avec sir Hugo à l’étranger. Le seul qui aurait peut-être eu quelques droits à y trouver à redire était le jeune homme lui-même, qui n’avait pas été consulté.

Au moment où Deronda dut aller à Cambridge, lady