Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— J’espère qu’un mariage comme celui-là ne se fera pas, répondit Deronda d’un ton de dégoût.

— Pourquoi cela ? Est-ce que, toi aussi, tu aurais été touché ? demanda sir Hugo. As-tu l’intention de courir après elle ?

— Au contraire ; je serais plutôt tenté de me sauver loin d’elle.

— Tu n’aurais pas de peine à supplanter Grandcourt. Une femme comme celle-là te donnerait la préférence, dit sir Hugo, qui aimait à mettre la patience de Deronda à l’épreuve.

— Je suppose que la généalogie et la fortune forment à elles deux un bon parti, répondit froidement Daniel.

— Mon garçon, c’est le meilleur cheval qui remporte le prix de la course, malgré la généalogie. Rappelle-toi le mot de Napoléon : Je suis ancêtre, dit sir Hugo, qui d’habitude aimait à ravaler la naissance, de la même manière que ceux qui, après un bon dîner, prétendent que le bonheur dans cette vie est distribué avec une égalité parfaite.

— Il n’est pas sûr que j’aie besoin d’être ancêtre, dit Deronda.

— Alors, tu ne veux pas courir après ta belle joueuse ?

— Décidément, non.

Cette réponse était sincère ; il est probable, toutefois, qu’en d’autres circonstances, Deronda aurait cédé à l’intérêt que cette femme lui avait inspiré, et essayé d’en savoir davantage sur son compte. Mais son destin l’entraînait dans une autre direction. Il ne se sentait plus libre.