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malgré la répulsion qu’il inspirait à Gwendolen, son patron désirait néanmoins l’avoir toujours sous la main.

C’est ainsi que Grandcourt arriva à la Czarina cinq jours après que Gwendolen eut quitté Leubronn et qu’il y trouva son oncle, sir Hugo Mallinger, avec sa famille, y compris Deronda. Ce n’est pas toujours un plaisir pour le souverain régnant, ni pour l’héritier présomptif, quand leurs affaires respectives les amènent à se rencontrer en un même lieu. Sir Hugo était un homme d’humeur facile, tolérant les dissidences et les défauts des autres ; mais un point de vue différant du sien sur le règlement des biens de sa famille l’irritait, attendu que ce sujet concernait aussi une personne dont l’existence était un inconvénient pour lui. Grandcourt, en aucun cas, n’aurait été un neveu selon son cœur ; mais, héritier présomptif du bien des Mallinger, c’était le ver rongeur du baronnet qui, n’ayant point de fils pour hériter de lui, n’avait sur ces biens qu’un droit viager, puisque, dans le testament de son père, Diplow même, avec les terres qui y étaient enclavées, se trouvait placé dans les mêmes conditions que l’ancien et vaste domaine des deux Topping ; oui, Diplow même, où sir Hugo avait passé sa jeunesse, où il avait chassé durant de longues années et où il aurait voulu que sa femme et ses filles pussent se retirer après sa mort.

Ce dépit n’avait fait que s’accroître avec les années, car lady Mallinger, après avoir eu successivement trois filles, avait attendu huit ans pour en procréer une quatrième ; elle était alors âgée de quarante ans, et sir Hugo avait vingt ans de plus qu’elle. Il avait donc perdu tout espoir d’obtenir un fils, et cette confirmation du droit de Grandcourt à l’héritage des Mallinger ne lui rendait pas sa présence agréable. Cependant, certaines circonstances obligeaient sir Hugo à agir de façon à ce que ses relations avec son neveu fussent aussi amicales que possible. Ces circonstances reposaient