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Gwendolen pâlit en entendant cette admonestation. Son esprit d’opposition et de résistance ne pouvait l’aider, car son oncle n’insistait pas contre sa propre résolution ; il ne la pressait que par des motifs de crainte qu’elle avait déjà éprouvés. Elle garda le silence et le recteur vit qu’il avait produit l’effet qu’il désirait.

— Ce que je viens de vous dire, reprit-il d’un ton plus doux, ne m’est inspiré que par l’amitié que je vous porte, ma chère.

— J’en suis certaine, mon oncle. Mais je ne suis pas folle ; je sais qu’il faudra que je me marie un jour ; et, avant qu’il soit trop tard, je ne puis rien faire de mieux que d’épouser M. Grandcourt. Je ferai donc mon possible pour l’accepter.

On aurait dit qu’elle voulait s’encourager en parlant avec cette décision.

— Ma chère Gwendolen, reprit le recteur avec une bienveillante gravité, j’ai la certitude que vous trouverez dans le mariage une nouvelle source de devoirs et d’affections. Le mariage est pour une femme la seule sphère vraie et satisfaisante dans laquelle elle peut se mouvoir, et, si votre union avec M. Grandcourt se décide heureusement, vous aurez, tant par le rang que par la fortune, un accroissement de pouvoir dont il vous sera facile de vous servir pour le bien des vôtres. Cette considération a une force bien autrement grande, bien autrement élevée que tout ce que vous lisez dans les romans. Vos dons naturels vous ont préparée pour une position à laquelle on aurait pu à peine rêver, en ne considérant que votre naissance et votre première situation sociale. Je compte que vous l’embellirez non seulement par vos qualités personnelles, mais encore par une vie bonne et sérieuse.

— J’espère que maman sera plus heureuse, dit Gwendolen en riant et en se dirigeant vers la porte pour aller retrouver les dames.