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— En effet, il a toutes les qualités qui peuvent rendre un homme tolérable : créneaux, véranda, écuries, etc. ; il ne fait pas de grimaces et ne se fourre pas de morceau de verre dans l’œil.

— Sois sérieuse un moment, ma chère. Dois-je comprendre que tu l’accepteras ?

— Oh ! je vous en supplie, maman, laissez-moi réfléchir encore, dit Gwendolen avec un peu de détresse dans la voix ; et madame Davilow se tut.

Aussitôt arrivée à la maison, Gwendolen déclara qu’elle ne dînerait pas ; elle était fatiguée et voulait un peu se reposer ; elle descendrait dans la soirée. La certitude que son oncle apprendrait l’état des choses ne la troubla pas ; elle était convaincue qu’il l’engagerait à accepter M. Grandcourt et elle n’était pas éloignée de donner son consentement.

Madame Davilow ne répéta pas littéralement à M. Gascoigne ce qu’avait dit Gwendolen ; elle se contenta de généraliser ; elle dit que sa fille éprouvait encore de l’incertitude, mais qu’en somme, elle finirait par consentir. Il résulta de cet entretien que l’oncle se considéra comme tenu d’intervenir ; il aurait cru manquer à son devoir s’il avait abandonné sa nièce à elle-même pendant cette crise. Madame Davilow aurait bien voulu que le recteur n’en parlât pas à Gwendolen ; elle était si sensible ! (Elle n’osait pas dire volontaire !) Mais M. Gascoigne était un esprit ferme, tenace dans ses résolutions et prompt à agir. Le mariage avec Grandcourt était pour lui comme une sorte d’affaire d’État ; car, à ses yeux, Grandcourt, le presque certain baronnet, le pair en expectative, devait être rangé dans la classe des personnages publics.

Si Grandcourt avait fait des folies, il était d’âge à ne plus en commettre, et, quand un homme ne s’est pas ruiné, les erreurs du passé sont les garanties de l’avenir. Il était donc