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Ils auront pensé qu’un accident vous en a empêché, sur tout si vous y allez aujourd’hui.

Après un silence de deux minutes, Grandcourt dit :

— Quelles personnes m’avez-vous invitées ?

Lush sortit ses tablettes. — Le capitaine et madame Torrington pour la semaine prochaine. Ensuite M. Hollis et lady Flora, et les Cushat et les Gogoff.

— Une jolie collection de manants, fit remarquer Grandcourt au bout d’un instant. Pourquoi avez-vous invité les Gogoff ? Quand vous envoyez des invitations en mon nom, soyez assez bon pour m’en donner une liste, au lieu de m’amener une géante qui gâte tout l’aspect de la chambre.

— Vous avez vous-même invité les Gogoff quand vous les avez rencontrés à Paris.

— Qu’est-ce que ma rencontre avec eux à Paris a de commun avec ceci ? Je vous dis de me donner une liste.

Grandcourt, comme beaucoup d’autres, avait deux voix complètement différentes l’une de l’autre. Jusqu’ici, nous l’avons entendu parler d’un ton traînant, irrésolu, dénotant surtout l’indifférence et l’ennui. Mais cette dernière et courte phrase fut dite d’un ton retenu, interne et pourtant distinct, que Lush avait appris à connaître comme l’expression d’une volonté inébranlable.

— Voudriez-vous inviter d’autres personnes ?

— Oui. Cherchez-moi des gens convenables, avec une demoiselle ou deux. Ajoutez-y un de vos damnés musiciens, mais pas un animal ridicule.

— Je serais bien étonné si Klesmer voulait venir ici en quittant Quetcham. Miss Arrowpoint ne s’y décidera que si l’on fait de la bonne musique.

Lush parlait d’un air insouciant ; mais, en réalité, il était très sérieux et fixait un regard scrutateur sur Grandcourt. Pour la première fois, celui-ci dirigea les yeux vers son