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— Lesquels de ces messieurs qualifies-tu de laids ?

— Oh ! presque tous.

M. Clintock, par exemple, n’est pas laid. Madame Davilow n’osa pas nommer M. Grandcourt.

— Eh bien, je déteste de sentir le drap de leurs habits.

— Quelle idée ! dit madame Davilow à sa sœur, qui s’était approchée. Voilà Gwendolen qui ne veut ni valser ni polker.

— Elle a des caprices, je crois, dit madame Gascoigne. Il serait plus séant de faire comme les autres demoiselles, surtout qu’elle a reçu d’excellentes leçons de danse.

— Mais, ma tante, pourquoi valserai-je, si je n’aime pas cela ? Ce n’est pas dans le catéchisme.

— Ma chère ! s’écria madame Gascoigne scandalisée.

Anna effrayée s’étonnait de l’audace de Gwendolen ; mais elles sortirent sans rien dire de plus.

Quelque chose sans doute était venu changer l’humeur de Gwendolen depuis l’heure de son triomphe au tir. Elle n’en parut pas plus laide aux lumières de la salle de bal, où la splendeur de la scène et les suaves émanations de la serre calmèrent son irritation nerveuse. N’avait-elle pas la conviction d’être recherchée plus que toute autre ? Les danseurs accoururent en foule auprès d’elle et lui firent de mélancoliques remontrances sur sa résolution de ne pas valser ni polker.

« — Avez-vous fait un vœu, miss Harleth ? — Pourquoi vous montrer si cruelle pour nous ? — Vous avez valsé avec moi en février. — Et vous valsez si bien ! » Telles furent leurs exclamations qui ne furent pas sans charmes pour elle. Les dames qui valsaient prétendirent que miss Harleth voulait se rendre intéressante ; mais, quand son oncle eut appris son refus, il l’approuva en disant :

— Gwendolen a ordinairement de bonnes raisons pour faire ou ne pas faire les choses.