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— Qu’appelez-vous folies ?

— Je crois qu’il faut appeler folie, en général, tout ce qui est agréable. Mais je sais que vous n’avez pas renoncé à la chasse.

(Pause pendant laquelle Gwendolen se rappelle ce qu’elle sait sur la position de Grandcourt et décide que son aspect est le plus aristocratique qu’elle ait jamais vu.)

— Il faut bien faire quelque chose.

— Alors vous vous intéressez au turf ? — ou bien, est-ce encore là une chose que vous dédaignez ? (Nouvelle pause.)

— Je monte à cheval quelquefois, mais cela ne m’amuse pas comme les autres hommes. Aimez-vous les chevaux ?

— Beaucoup. Je ne me sens jamais aussi heureuse que quand je galope à cheval. Je ne pense plus à rien. (Pause.)

— Craignez-vous le danger ?

— Je ne sais pas. Quand je suis à cheval, je ne pense pas au danger. Il me semble que, si je me brisais les os, je ne le sentirais pas.

(Pause pendant laquelle Gwendolen s’imagine qu’elle chasse avec deux chevaux de race à ses ordres.)

— Peut-être aimeriez-vous à chasser le tigre ou le sanglier ? J’ai assisté à quelque chose de ce genre dans l’Inde. Le gibier de ce pays-ci paraît peu de chose auprès de celui-là.

— Vous aimez le danger alors ?

(Autre pause où Gwendolen réfléchit sur la probabilité que les hommes à l’extérieur froid sont les plus aventureux.)

— Il faut aimer quelque chose. Mais on s’y accoutume.

— Je commence à croire que je suis heureuse, car tout est nouveau pour moi et je ne puis m’en rassasier. Je ne suis habituée qu’à être triste, et je voudrais pouvoir cesser de l’être aussi aisément que vous avez renoncé au tir.