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et fraîches jeunes filles, ressemblait à Calypso au milieu de ses nymphes. En voyant la grâce de ses attitudes et la souplesse de ses mouvements, chacun était obligé de reconnaître la supériorité de ses charmes.

— Cette jeune fille ressemble à un fougueux cheval de course, dit lord Brackenshaw au jeune Clintock, l’un des invités.

— Admirablement jolie ! répondit l’élégant helléniste, qui lui avait accordé une attention toute particulière. Jamais elle ne m’a paru si belle.

Peut-être, en effet, ne l’avait-elle jamais été autant ! Son visage, d’un galbe admirable, étincelait d’un plaisir auquel ne se mêlait ni mécontentement ni méchanceté ; satisfaite de l’effet qu’elle produisait, elle était aimable avec chacun et contente de l’univers. C’est justement parce qu’elle n’était pas une riche héritière, comme miss Arrowpoint ; c’est justement parce qu’elle n’était pas du plus haut rang social, qu’elle obtenait un double succès en triomphant de celles qui avaient ces avantages. Elle n’aurait changé son sort contre celui de personne ; elle appréciait très haut la famille qui l’accompagnait. La tenue de sa mère aurait convenu à une duchesse ; son oncle, sa tante et Anna faisaient très bonne figure dans leur genre, et Gwendolen avait une trop grande confiance en elle-même, pour se montrer le moins du monde jalouse que miss Arrowpoint fût la meilleure des archers féminins.

La réapparition même du redoutable Herr Klesmer, qui causa quelque surprise à la société, ne fit que stimuler la joie de Gwendolen. Quel grand maestro, si ce n’est Apollon, aurait fait bonne figure dans un concours de tir à l’arc ? Un éclair sardonique jaillit des yeux de Gwendolen, au moment de l’entrée des Arrowpoint escortés de Klesmer, qui faisait un contraste frappant à côté de ses hôtes avec son épaisse crinière flottante, en dispute continuelle avec