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bondissant, et dont les voix argentines faisaient retentir les échos du parc, quand la bande militaire venue de Wancester cessait de jouer.

Aucun amusement, du reste, n’était plus que celui-ci libre des contraintes ennuyeuses et gourmées qui déparent nos distractions modernes ; nulle société de tir ne pouvait être mieux choisie, car le nombre des amis qui accompagnaient les membres du Club avait été limité, afin que le maximum des invités ne dépassât pas le nombre convenable pour le dîner et le bal qui auraient lieu au château. Pas un spectateur plébéien n’avait été admis, sauf les tenanciers de lord Brackenshaw et leurs familles. Il est très probable que la beauté qui frappait le plus ces âmes rustiques était bien différente de celle de Gwendolen ; qu’elle avait les joues plus garnies et plus rubicondes, avec des cheveux d’un beau jaune d’or ; mais dans le cortège masculin qui faisait cercle autour de Gwendolen, il y avait unanimité pour la déclarer la plus belle de la fête.

Rien d’étonnant donc à ce qu’elle respirât à pleins poumons les joies de l’existence dans cette splendide après-midi de juillet.

Les prix distribués aux archers de Brackenshaw étaient des symboles de la plus noble espèce ; ils consistaient en flèches ou en étoiles d’or et d’argent, que l’on portait comme marques honorifiques des prouesses accomplies. Ces signes de prééminence valaient mieux que des couronnes, dont ils n’avaient pas les inconvénients, ni l’effet mélancolique au milieu d’un bal. L’Archery club de Brackenshaw était dirigé avec un goût et une prudence qui empêchaient tout événement ridicule ou regrettable.

Ce jour-là, tous les éléments s’étaient conjurés en sa faveur. La chaleur était tempérée, et pas un souffle de vent, qui aurait pu déranger la direction des flèches, ne se faisait sentir. Gwendolen, entourée de toutes ces belles