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ment ce qui ferait son bonheur ; toutefois elle ne pouvait penser à ce bonheur que sous la forme du mariage.

La toilette que devait porter Gwendolen à l’Archery meeting était aussi un sujet d’importance. Il fut décidé que la nuance qui allait le mieux à son teint sur sa robe de cachemire blanc, était le vert pâle, — une plume qu’elle avait essayée sur son chapeau devant le miroir avait résolu la question ; — mais madame Davilow eut comme un éblouissement lorsque Gwendolen, prenant soudain l’attitude d’un archer, lui dit d’un ton comique :

— Vraiment, j’ai pitié de toutes ces demoiselles qui viendront au tir : elles pensent emporter le cœur de M. Grancourt, et pas une n’a l’ombre de chance.

Madame Davilow en fut tellement interloquée, qu’elle ne trouva rien à répondre ; et Gwendolen, la malicieuse, se tournant tout à coup de son côté, ajouta :

— Vous le savez bien, maman, puisque vous, mon oncle et ma tante Gascoigne, avez résolu qu’il s’amouracherait de moi.

Madame Davilow, piquée de ce petit stratagème, répondit :

— Oh ! ma chérie, il n’y a rien de moins certain. Miss Arrowpoint a des charmes que tu n’as pas.

— Je le sais bien, mais il faut y réfléchir. Ma flèche l’aura transpercé avant qu’il ait eu le temps de la réflexion. Il se déclarera mon esclave ; je l’enverrai faire le tour du monde pour me rapporter l’anneau de mariage d’une femme heureuse ; pendant ce temps-là, tous les parents qui sont entre lui et le titre de baron disparaîtront, emportés par des maladies différentes ; il reviendra lord Grandcourt, mais sans l’anneau, et il tombera à mes pieds. Je me moquerai de lui : il se relèvera furieux ; je rirai plus fort ; il demandera son cheval et se rendra sur-le-champ à Quetcham, où il trouvera miss Arrowpoint mariée à un musicien