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que le jour, la mer se retirait, échouant les barques encore voilées, les canots pleins de sardines, tandis que le jusant emportait au large des paniers dont l’anse émergeait parmi les menus reflets d’argent qui dérivaient par milliers.

Le tumulte roula par les rues, jusqu’au noir qui entassa les pêcheurs au XXe Siècle, où Zacharie débita de l’alcool par litre. Les tablées étaient comme des grappes qui remuaient d’une seule pièce en grondant. Les jurons occupaient les bouches, et les verres au cul massif gonflaient les poings. En vain des femmes tentèrent de rentrer leurs hommes. Très avant dans la nuit calme, la lampe rougit le cabaret, et les gueuleries passèrent sur le village.

Chez elle, Marie-Jeanne tremblait à la veillée, dans la grande chambre où luisaient les meubles propres. Urbain l’exhorta :

— Crains rien, va, ils font plus d’ bruit que d’ besogne !

— Il nous arrivera malheur tout de même, on nous déteste trop…

— Tant mieux, c’est ça qui donne du courage !

Urbain parlait rageusement dans l’exaspération de sa volonté butée. Il citait son père qui risqua sa vie pour sauver l’équipage norvégien : un Coët n’avait jamais reculé ! Et blâmant ces braillards qui gâchaient leur temps et leur argent, il ajouta :