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les rochers de la pointe, bombardait à coup de vagues la jetée sonore, roulait, les barques à bout de chaînes, ressaquait au long des cales et venait s’aplatir, amollie, brisée, sur la plage où le vent faisait courir le sable au ras du sol en grésillant.

Chez Coët, on travaillait à monter des filets tandis que la Marie-Jeanne, en tablier de serpillière, préparait la teinture. Le vent ronflait sous les portes, et, dans la cour, du chaume tournait avec un bruit soyeux. Au-dessus du marais, les moulins prudents ne dressaient plus dans l’air tumultueux que l’arête sans prise de leurs ailes.

On entendait la mer qui tourmentait la côte et se battait au large. Il n’y avait dehors qu’un groupe de causeurs à l’abri du canot de sauvetage.

Terrés au foyer ou à boire chez Zacharie, dont la buvette affiche en lettres d’un pied la rubrique prétentieuse : Au XXe Siècle, les hommes attendaient l’embellie pour sortir. Et de temps à autre ils venaient à la jetée, sonder la mer menaçante avec de l’inquiétude au ventre et au cœur aussi, à cause des gosses et de la femme.

De sa fenêtre, la Marie-Jeanne voyait danser la mâture neuve du Dépit des Envieux où clapotait un gréement clair ; le pont, rayé de coutures, lui apparaissait par intervalle au roulis ; et elle était fière, parce qu’il n’y avait pas, dans le port, une autre barque si propre et si légère au dos des vagues.