brouilla lui-même, honteux de son mensonge, et de plus en plus saisi par le désir de tomber au cou de sa vieille en lui disant : « il est mort, mort, notre Florent ! » pour pouvoir souffrir à l’aise, souffrir à deux.
Tout de même il tint son personnage les jours suivants et fut se renseigner quotidiennement à la Marine. Le renflouage n’avançait pas. On n’avait aucun moyen réel de sauvetage : des chaînes insuffisantes qui rompaient, des chalands de fortune qui remplissaient ; on était réduit aux marées qui soulageaient l’épave, pour l’approcher de la côte.
Le soir sous la lampe, la mère Bernard fit écrire à Florent par P’tit Pierre une longue lettre pleine de recommandations touchant l’obéissance au docteur, les soins, les imprudences : on l’attendrait pour la noce de son frère, mais qu’il guérit d’abord. Le brigadier n’eut pas la force de l’entendre jusqu’au bout, jusqu’aux demandes instantes de nouvelles, jusqu’aux gros baisers qu’elle envoyait de tout son cœur, et il sortit errer dans le village obscur.
La lettre fut brûlée en cachette. Surprise de ne pas avoir de réponse, avec le temps, la bonne femme s’inquiéta et proposa d’envoyer P’tit Pierre là-bas.
— S’il ’tait très mal tout de même ! Il peut déjà point écrire ! P’tit Pierre le ramènerait peut-être…