dans les périodes de mutisme, il vivait en bonne intelligence, en somme, sous condition qu’il respectât le devoir. Le visage du vieux se plissait gravement chaque soir, à la tombée de la nuit, et il semblait que sa conscience s’allumât en même temps que le grand feu de la lanterne. Il avait coutume de dire à Jean-Baptiste avec une majesté grandiloquente :
— Les hommes comptent sur nous, jeune homme !
Et quand il gravissait l’escalier de son pas ferme, pour gagner la chambre de veille, dominé dans sa volonté, Piron le suivait docilement.
L’après-midi, ils astiquaient avec manie, de la cave à la girouette, et, au temps perdu, Jean-Baptiste pêchait autour de l’île, parce qu’étant jeune, il avait besoin de lutter et de vaincre. Sémelin demeurait paisiblement au phare, à lire ses prières ou à coller des coquillages en forme de bonshommes ; il rapetassait, en outre, les vieilles salopettes, salait du poisson pour l’hiver et préparait les repas.
Il venait de servir les congres bouillis qui fumaient dans un plat de terre. Un peu penaud, Jean-Baptiste prit sa part et la dépeça avec le pouce et la pointe de son couteau.
Ils étaient assis face à face, assez loin de la table, à la manière des paysans ; un bol de vinaigrette