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Ce qui domine ailleurs, c’est une sorte de patois, assemblage de mots de toute provenance, débris d’innombrables langues, arbitrairement amalgamés, et que tout le monde comprend… à peu près.

Dans les ports de la Chine, on parle le pidgeon ; dans le Levant, la langue franque ; dans l’Asie centrale, le djagnitaï ; en Algérie, le sabir.

Autant de palliatifs insuffisants.

Personne ne songe à proposer l’adoption d’une langue disparue, comme le grec ou le latin, à titre de langue universelle. On ne ressuscite pas les morts, on ne remonte pas le cours de l’histoire. Il suffit, d’ailleurs, d’avoir entendu la singulière musique que, pour nos oreilles françaises, fait une phrase latine dans la bouche d’un Anglais, d’un Allemand ou même d’un Italien, pour comprendre que semblable choix aboutirait simplement à reculer la difficulté sans la résoudre.

Ajoutons, enfin, que l’idiome universel réclamé est surtout destiné à exprimer des besoins et des choses modernes, sans vocables correspondants dans les langues de l’Antiquité. Allez donc rédiger une lettre de change dans la langue d’Homère ou une commande pour une usine d’électricité dans la langue de Virgile !

Il ne saurait être question davantage de s’en tenir à l’une quelconque des langues européennes vivantes.

En théorie, c’est ce qui paraît le plus simple. Mais, en pratique, c’est tout une autre affaire. Il faut tenir compte des jalousies nationales, qui n’ont même pas pu se mettre d’accord sur une question beaucoup moins palpitante, beaucoup moins immédiate, sur le choix d’un méridien universel.

Puis, toutes les langues vivantes sont hérissées de difficultés. Les exceptions y pullulent ; à moins d’être « doué », on n’arrive à en posséder une à fond qu’au prix de longs et de patients efforts. »


Ainsi s’exprimait Thomas Grimm, il y a quatre ans, en présentant le Volapük aux lecteurs du Petit Journal.

Un jeune médecin russe, le docteur Esperanto, de Varsovie, vient de résoudre d’une façon magistrale, après douze ans d’étude constante, ce problème d’une langue scientifique internationale auquel le monde savant travaille depuis si longtemps. Il a formé une langue d’une logique et d’une simplicité vraiment remarquables, qui