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de mouvement et d’atmosphère. Ses modèles sont toujours ses naturels de Perck mais il les montrera sous un jour plus paisible. Il les relancera dans leurs chaumières, à l’heure de leurs repas, ou les surprendra au cabaret, ou les observera jouant aux boules, tirant à l’arc, s’adonnant paresseusement à la pêche.

C’est dans ce mode et parmi ses tableaux de format réduit qu’il aura signé la plupart de ses chefs-d’œuvre. Quel merveilleux tableau, par exemple, que ses Fumeurs de la Pinacothèque de Munich. L’a-t-il mis en friande pâte, en belle lumière, en tons avantageux, ce crâne et dégourdi compagnon qui, la mine sensuelle, la casquette de travers, en manches de chemise, assis sur une chaise, tenant son broc d’une main et sa pipe de l’autre, tire de sa longue bouffarde des nuages aussi épais qu’odoriférants. L’arome en est tel qu’un autre rustre, coiffé d’un feutre chiffonné, en train de bourrer sa pipe, reluque à la dérobée et non sans convoitise le camarade qui connaît déjà la béatitude du fumeur. Un troisième pitaud, de figure moins engageante que les deux premiers, un vrai magot celui-ci, débourre machinalement le fourneau de son brûle-gueule. C’est du plus sain, du plus réjouissant naturisme.