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auront vus comme il fallait les voir. Les termes méprisants dont Louis XIV se servit à l’égard des productions de Teniers : « Ôtez-moi de là tous ces magots ! » sont encore tenus pour oracle et parole d’évangile, par la légion des aristarques. Hélas, ne m’est-il pas arrivé à moi-même, emporté par un accès de fanatisme partial, par un enthousiasme ombrageux pour le galbe et la plastique de nos Poldériens et de nos Campinaires, de mésestimer le vieux maître et de le ravaler au niveau des peintres de grotesques ou de brutes. J’en fais ici mon bien humble mea culpa.

À la rigueur, on s’explique le dédain du Roi Soleil à l’endroit d’un interprète des humbles terriens. Ce monarque fastueux, toujours en représentation, esclave du cérémonial et de l’étiquette, ne devait rien comprendre aux gestes et aux visages de ces créatures infimes, autant de serfs et de maroufles. Aussi, n’admettait-il pas qu’on les peignît. Ce qu’il lui fallait, c’était l’art courtisan, guindé et gourmé d’un Lebrun, d’un Rigaud ou d’un Larguillière.

Encore ne faudrait-il pas prendre l’appréciation de Louis XIV sur l’art de Teniers comme l’expression complète et catégorique de la pensée de ce roi.