Page:Eekhoud - Raymonne, 1878.djvu/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
LA COMÉDIE.


Il sortait du sol gris on ne sait quelle paix
Capable d’émouvoir les cœurs les plus épais.
Des effluves d’amour, d’innocence touchante
Circulaient dans l’air vif. Ce qui palpite ou chante,
Les trilles des moineaux, les cloches du sonneur,
Révélait un désir d’universel bonheur.

Que la verdure était resplendissante et fraîche !
Sur les murs de Gisors, forteresse revêche,
Ce gai matin avait glissé l’estompe d’or.
Dans les fossés profonds où coule une onde noire,
L’enchanteur avait mis comme un ruban de moire
Si brillant qu’il tentait l’oiseau dans son essor.

Les coteaux entourés de vapeurs floconneuses
Marquaient leurs renflements sur les plaines poudreuses,
Et le vent du matin chassait vers l’Orient
Les ouates qu’il cueillait à la toison de brume
Des forêts ou du chaume, où le foyer s’allume,
Pour en former ensuite un nuage fuyant.

Les laboureurs passaient : les faibles, les robustes,
Les jeunes gens dispos et les vieillards augustes,
L’un à ses souvenirs et l’autre plein de vœux,
Ils allaient vers les champs exortant les grands bœufs.