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VI.

LA COMÉDIE.


 
L’aube vint quand Gisors quittait son lit de fièvres,
À peine réveillé, la sècheresse aux lèvres,
Le regard morne, atone et le teint tout marbré
Des taches que l’excès met aux peaux les plus roses,
Le cœur plein de dégoût, de révoltes moroses,
Les cheveux en désordre et l’esprit égaré.

Il ouvrit la fenêtre afin que l’air vivace
Circulât dans son sang brûlé d’un feu tenace,
Pour que dans ses cheveux hérissés et tordus
Il sentît la fraîcheur humide de la brise
Que les parfums montants de la plaine encor grise
Pussent rendre leurs nerfs à ses membres rompus.

Il s’accouda pensif, tandis que sa mémoire
Fredonnait implacable une chanson à boire,
Et le bruit d’un festin, les chocs, les cliquetis,
La table renversée et l’ivresse brutale,
Les hoquets des buveurs lugubres comme un râle,
La salle des Gisors transformée en taudis ;